Tu peux fuir, je te rattraperai !

Il y a des jours où tu te dis que l’univers est quand même incroyable. Certaines choses qui se passent. Une combinaison de hasards, de chance ou de malchance. Certains appelleront ça Dieu, d’autres des énergies, peut importe ! Une chose est sure pour moi, certaines situations donnent la chère de poule. L’être humain est tellement petit et limité qu’on arrivera jamais à comprendre ne serait-ce qu’une infime partie de tout ce qui nous entoure, tout ce qui nous dépasse.

Moi, il y a quelques semaines, j’ai appris la mort de deux collègues. Je ne vais pas donner ici plus de détails car le contexte est sensible. Mais la mort de travailleurs humanitaires est toujours difficile. Encore plus difficile que celle d’autres personnes. STOP ! Je vous arrête tout de suite, non, je ne prétend pas que la vie des travailleurs humanitaires a plus de valeur que n’importe quelle autre vie humaine ! Ce n’est pas ce que je dis ! La mort de travailleurs humanitaires est plus difficile selon moi car c’est des gens qui avaient le choix. Le choix comme n’importe qui dans les pays riches de continuer de vivre sa vie confortable. De fermer les yeux sans rien faire, sans rien dire, voir même en se justifiant que ça ne changerait rien d’essayer alors autant ne pas essayer ! Et malgré tout, ils ont fait le choix le plus difficile. Le choix de sortir de leur zone de confort. Le choix de ne pas avoir une famille, une maison, une voiture. Le choix de ne pas pouvoir manger ce qu’ils veulent quand ils veulent, de ne pas pouvoir aller au cinéma, au théatre, au restaurant. Le choix de ne pas être là pour leur famille, leurs amis, leurs anniversaires. Le choix de refuser de s’avouer vaincus par la méchanceté et la bêtise humaine. Le choix de croire que la vie des gens qu’ils servent a autant de valeur que la leur ! Un choix que je trouve plus qu’honorable. Un choix que j’admire !

Mais dans ce cas précis, je crois que le plus difficile pour moi a été de me dire que finalement, en tant que travailleur humanitaire moi-même, certes basé en Suisse, j’aurais pu être à la place de l’un de ces collègues à l’occasion de l’un de mes voyages. Je dirais même que non seulement j’aurais pu être à leur place, mais j’étais bel et bien à l’endroit où l’un d’entre eux a été tué il y a environ un an. Bien évidemment, j’ai été formé pour ce genre de situations. Mais aucune formation aussi bien faite soit-elle ne peut vous préparer à ça. C’est le genre de situations dans la vie où vous ne serrez jamais, absolument jamais prêt, c’est impossible de se préparer à ça ! C’est le genre de situations dont je parlais au début, une combinaisons de hasards, de chance ou de malchance que personne ne pourra jamais expliquer, que toute la science du monde ne pourra jamais justifier.

Et de me dire que le hasard, que la chance ou malchance a fait que c’est ces deux collègues qui sont partis plutôt que moi. Ouf ! Ça donne la chère de poule, c’est difficile ! Je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi j’ai été épargné alors que eux pas ? Alors certes, je suis infiniment reconnaissant d’avoir été épargné, mais pourquoi eux ne l’ont pas aussi été ? Qu’ont-ils de moins que moi pour ne pas avoir étés épargnés ? J’aimerais que l’univers s’explique, j’aimerais que l’univers m’explique pourquoi ils n’ont pas étés épargnés !