La famille

Aujourd’hui je vous écrit suite à mon cour séjour au Portugal. J’ai été passer quelques jours avec ma famille, une petite visite éclair. Arrivée dans la nuit de samedi à dimanche, départ mardi avant le lever du soleil, très court, mais suffisant pour avoir de quoi vous laisser quelques lignes.

Alors, commençons par le commencement. Je suis né au Portugal en 1986. Dans la région de l’Alentejo. La région la plus chaude du pays, où, en été le thermomètre peut allégrement dépasser les 40° Celsius. Région où il y a beaucoup d’agriculture et où le tourisme rural et fluvial se développe ces dernières années. C’est donc là que se trouve ma famille dans sa grande majorité. Dans une petite ville d’environ 2600 habitants, chef lieu d’une municipalité d’environ 6400 habitants.

Et bien que la région se développe ces dernières années, la situation du pays n’est pas facile depuis des décennies. Je ne vais pas vous raconter ici l’histoire du pays, wikipedia et autres consorts se chargeront de le faire bien mieux que moi. Mais comme la majorité des pays dans le monde, il y a eu des moments où le pays se portait mieux que d’autres. Des hauts, des bas. Ce qui a fait qu’en 1985, mon papa décida de partir travailler en Suisse. A l’époque ce n’était pas comme maintenant avec Schengen et tous les accord bilatéraux, non. A l’époque il fallait commencer comme saisonnier pendant 4 ans, avant de pouvoir enfin accéder à un permis d’établissement. C’est donc ce qu’il a fait. Et avant que certains d’entre vous ne me le demandent, oui, je suis né quand mon papa était comme saisonnier en Suisse.

Mais enfin, accélérons, pendant ces années où mon papa était en Suisse, ma maman a eu quelques problèmes de santé. C’est donc principalement ma grand-maman maternelle qui c’est occupée de nous, mon petit frère et moi. Jusqu’en 1991 où ma maman, mon petit frère et moi sommes allés rejoindre mon papa en Suisse. Depuis ce moment, les vacances sont donc devenues, comme pour la grande majorité des portugais en Suisse, le grand moment de l’année où on retourne au pays. C’est donc à l’occasion de ces vacances annuelles que j’ai peu a peu découvert mon pays d’origine. Certes j’avais l’école portugaise en Suisse, pour apprendre l’histoire, la géographie ou encore le portugais. Mais d’être sur place c’est autre chose. C’était cool !

Assez rapidement, alors que mon petit frère et toute la ribambelle de cousins/cousines s’enfuyaient de table (les longs repas où toute la famille est présente, c’est culturel au Portugal) pour aller courir, jouer, s’amuser dans l’immense maison de la grand-maman, moi je n’y voyais pas d’intérêt. C’est donc malgré les demandes persistantes de certains cousins que je restais à table avec les adultes, à suivre les discussions des grands. En analysant aujourd’hui, c’est les premiers moments où je me souviens d’avoir eu la réaction d’un enfant à haut-potentiel. J’aimais rester à table avec les adultes, écouter toutes ces discussions, j’arrivais même à en suivre plusieurs à la fois. Deux, trois, parfois même quatre discussions à la fois. C’était stimulant, entendre mes parents parler de leurs expériences en Suisse, entendre le reste de la famille comparer avec ce que eux vivaient au pays. J’aimais ça, j’en apprenais des choses, sur le Portugal, sur la Suisse, très jeune j’ai pu me faire mon avis sur le fonctionnement des deux pays, sur ce que je préférais dans l’un ou dans l’autre. Des avis bien tranchés parfois.

Les années sont passées, j’ai grandi et chaque année ces vacances étaient un vrai moment de plaisir. A l’époque je n’aurais pu expliquer exactement pourquoi si ce n’est le fait qu’il faisait en général beau et chaud. Aujourd’hui je crois pouvoir dire que c’est simplement parce que c’était le moment de l’année où mon cerveau allait pouvoir tourner à plein régime. C’était le moment de l’année où je n’allais pas m’ennuyer, le moment de l’année où je faisais partie des adultes.

Le temps qui passe, les années qui défilent, mon intérêt pour le Portugal a diminué. Je mettais la faute de ce désintérêt sur le fonctionnement du pays. Car oui, pour moi, le Portugal, tout comme beaucoup de pays européens qui se prétendent être des démocraties, ne sont en réalité rien de plus que des dictatures où le peuple a le « privilège » de choisir son dictateur tous les 4-5 ans. Enfin bref, je ne vais pas vous parler de politique. Tout ça pour dire que je mettais la faute sur le système. Aujourd’hui avec bien plus de recul et un éclairage différent sur qui je suis, je me rends compte que bien que je désapprouve le fonctionnement du pays, mon désintérêt est principalement dû au fait que j’ai commencé de m’ennuyer au Portugal. Forcément, les histoires des adultes qui me permettaient d’apprendre plein de choses sont aujourd’hui devenues banales. Je sais comment fonctionnent les choses dans les deux pays. J’ai bien plus de connaissances sur bien des sujets que la majorité de ma famille (sans prétention). Ce n’est donc plus le lieu où je vais pour faire tourner mon cerveau.

Alors, samedi, dans l’avion (oui, vous savez, l’avion ça m’inspire), je me disais que je n’arrivais pas à me réjouir de ces quelques jours au Portugal. La seule raison de me réjouir, était de revoir ma grand-maman. Mais, même ça, en étant honnête avec moi-même, c’est le fait que je vois les années passer, le fait qu’elle prenne de l’âge qui font que j’ai autant envie de la voir. C’est simplement la peur de la voir partir. L’espoir que ce ne soit pas la dernière fois que je la vois, le souhait d’avoir des souvenirs récents, la peur de voir disparaître cette Grande Dame ! J’ai trouvé ça triste, égoïste même. Je me suis demandé ce qui se passerait le jour où elle partirait ? Est-ce que je continuerais d’aller au Portugal pour voir le reste de la famille ? Je les aime pourtant beaucoup, ils sont juste géniaux ! Mais comment faire alors que je ne me sens pas à ma place ? A ce moment là, je m’en voulais à moi-même car je suis déchiré entre faire plaisir et être moi.

Vous me direz peut-être que ce n’est pas un effort énorme d’aller les voir 2-3 fois par année. Et c’est vrai. D’autant plus vrai pour moi qui adore voyager. Mon dilemme n’est pas de faire l’effort mais d’être honnête. J’aurais en quelques sorte l’impression de leur mentir, l’impression de jouer un rôle. J’ai donné, je n’ai plus envie de ça!

Comme souvent, je n’ai donc pas de solution pour le moment. Je ne sais pas de quoi le futur sera fait, je ne sais pas ce que je ferrai ou pas. On verra donc d’ici là le chemin que ma réflexion aura fait.